DiscourT (car pas trop long)
d'introduction à Bruxelles déci-belle
Bonjour
à toutes et à tous,
Étant donné sa popularité
internationale et le fait que beaucoup de dames d'un certain âge
dont certaines ici présentes ce matin rêvent en secret de l'avoir
comme beau-fils (il parle bien, a une bonne situation et est très
bien de sa personne), j'aurais voulu inviter, pour inaugurer ce
Bruxelles déci-belle, Monsieur Paul Magnette, négociateur du Traité
d'échanges commerciaux avec le Canada, célèbre maintenant partout
dans le monde, dans l'espoir de l'entendre nous annoncer ce que moult
Français ont appelé de leurs vœux ces dernières semaines,
CETA-dire, oui, dois-je le répéter, c'est-à-dire l'annexion de la
France à la Wallonie pour résister au rouleau compresseur des
Multinationales.
Lorsque je l'ai invité, il a d'abord
dit non, ce qui ne m'a pas découragé puisque je sais
qu'il a maintenant l'habitude de dire
oui après avoir dit non. J'ai insisté. Il a fini par dire CETAvoir,
ce qui m'a laissé un peu d'espoir. Puis il a dit CETAbominable, j'ai
trop de travail, je n'arrive pas au bout des 1600 pages du traité…
Mais lui ai-je rétorqué, c'est inutile, le traité est signé,
CETAdjugé, CETAdmis CETAdvenu, CETAcquis, que puis-je encore dire,
CETAchevé, CETActé… Mais voilà, CETAffligeant, il ne sera pas
là. J'ai beau lui avoir dit que tout le monde pouvait se tromper
(moi-même je dois avouer que j'ai utilisé ma messagerie personnelle
pour informer des centaines de gens de l'existence de Bruxelles
déci-belle - quand je lui ai dit çà, HILLARY), mais rien ne l'a
convaincu de nous rejoindre.
Donc comme personnalité présente à
ce premier jour de Bruxelles déci-belle, vous devrez, et je m'en
excuse, vous devrez vous contenter de quelqu'un de plus modeste et
qui surtout a accepté mon invitation sans rechigner, je veux parler
bien sûr de moi, moi, oui, moi, car après toutes les galères que
mes coéquipiers et moi avons dû supporter pour organiser cet
évènement, je suis presque devenu une personne alitée…
Quoi qu'il en soit, Bruxelles est là
et il ou elle vous attend patiemment.
Je
sais, elle doit être du genre féminin, ce "elle" dans son
nom l'évoque à souhait. Mais ce "s" final à Bruxelles,
dites-moi ? Serait-elle donc aussi plurielle ? Moi qui la croyais
singulière, si singulière.
Pourtant,
je pourrais vous parler de ses ordures, des dépôts clandestins, de
ses chantiers permanents, de ses embouteillages et même de ses
tunnels qui se délitent, de ce palais de Justice couvert
d'échafaudages depuis près de quarante ans et de cette basilique
grotesque à l'autre bout de la ville (combien pourrait-elle
accueillir de réfugiés ?). Non, ça suffit. C'est une
tradition, il parait qu'on ne fait pas de politique à l'Oulipo. Et
puis on n'est pas à Bruxelles pou-belle ici, mais bien à Bruxelles
déci-belle.
Place
donc aux bruits de la ville et à la musique ! Et même aussi au
silence…
« La poésie doit être faite par tous. Non par un. »
RépondreSupprimer1870, Lautréamont dans Paris assiégée pare au plus pressé : il convoque la foule de ses contemporains à l’ardente nécessité poétique. Cent quarante-sept ans plus tard, aux côtés de Lille, Paris, Pirou, La Rochelle etc., l’injonction est suivie par Bruxelles déci-belle, quatrième édition.
Bruxelles déci-belle... qui s’y colle, et à quel métier ? Eh bien, toutes sortes de gens en pléthore de disciplines. Il faut que l’on écrive, danse, chante, que l’on médite ici au square là au jardin, que l’on marche dans les rues et navigue sur le canal, etc. Ça tombe bien puisque, relisant de près Lautréamont, « par tous » a deux sens : la poésie faite par tout le monde et par tous nos dons créatifs.
Bruxelles déci-belle, voici – rien moins – le socle syndical d’un industrieux corps de métier, l’étape apaisée d’une conspiration poétique internationale en train de se déployer, laboratoire de réseaux d’invention littéraire, musicale, plastique, théâtrale, chorégraphique dont l’équilibre se frotte à la ville sensible, à sa géographie, à ses coutumes.
Bruxelles déci-belle, vierge, vivace et bel élan où le monde confus s’est fait intelligible, où des mots galvaudés ont repris vigueur : concorde, bien commun, fraternité, liberté.
Force inouïe, laboratoire de la vraie vie.
Robert Rapilly_